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Déclaration sur la situation au Gabon
Investi en 1967 avec la bénédiction du général de Gaulle, Omar Bongo Ondimba s’en est allé ce 8 juin 2009 comme il est arrivé au pouvoir, par surprise. La suspension de ses activités décidée le 6 mai pour une durée indéterminée ne pouvait prévoir la fin du doyen des chefs d’Etat africains. L’affaire des biens mal acquis, le gel de certains de ses avoirs, l’offensive des médias hexagonaux contre cet étendard de la Françafrique auront eu raison de lui.
I- La chute du doyen, « patron » de la Françafrique
Jusqu’à son départ en avion médicalisé pour la clinique Quirón de Barcelone, Omar Bongo Ondimba n’était qu’un homme épuisé. Un homme comme les autres, en proie aux souffrances que la vie peut dresser sur le chemin.
De souvenir, tous ceux qui l’ont rencontré ont toujours affirmé que le Président gabonais faisait toujours forte impression : subtil, souvent drôle, ne pratiquant pas la langue de bois, mais conservant soigneusement ses secrets. Omar Bongo était un politique madré, fin manoeuvrier, habile à conduire ses opposants dans des impasses, à la fois rusé et autoritaire, séduisant et effrayant comme le qualifient les analystes.
Respecté pour son statut de doyen et son habileté politique, il a été sollicité à plusieurs reprises pour jouer le rôle de médiateur dans des conflits en Afrique. Par exemple, l’année dernière encore, il était le médiateur du dialogue politique inclusif engagé en Centrafrique.
Mais avant tout, l’histoire retiendra sans aucun doute en premier lieu, les rapports privilégiés qu’il entretenait avec la France et ses chefs d’Etat.Albert- Bernard devenu Omar était le symbole de la Françafrique, expression créée pour illustrer les relations incestueuses entre Paris et les capitales du pré carré. Le lendemain même de son installation à l’Elysée, Nicolas Sarkozy l’accueillait sur le perron de sa toute nouvelle résidence présidentielle. Il devenait alors le premier chef d’Etat étranger à en franchir le seuil, manifestant ainsi que les liens historiques qui l’avaient lié à Jacques Chirac se transférait tout naturellement à son successeur... Il faut dire que ses liens, établis sous la présidence du Général de Gaulle à l’initiative de Jacques Foccard, ne s’étaient pas détendus sous Georges Pompidou, ni sous Giscard d’Estaing, et n’avaient pas été érodés non plus par les deux septennats de François Mitterrand. Un demi-siècle de raison d’Etat franco-africaine !
Le « doyen » aimait à dire que « L’Afrique sans la France, c’est la voiture sans le chauffeur. La France sans l’Afrique, c’est une voiture sans carburant ». Cela traduisait la relation entre « le boss » et l’ancienne colonie. Mais depuis quelques années, Omar Bongo et son entourage se sentaient trahis par la France, dont la justice traquait les « biens mal acquis ». En 2007, en effet, une enquête judiciaire avait révélé l'important patrimoine mobilier et immobilier qu'Omar Bongo possédait en France : 33 appartements de luxe et hôtels particuliers, 11 comptes bancaires différents.
Et le 19 mai dernier, le juge d’exécution du tribunal de grande instance de Paris refusait d’ordonner la mainlevée des saisies de neuf comptes bancaires appartenant au président Bongo dans le cadre de l’affaire Cardona.
Ces révélations ont nourri l'amertume du président gabonais qui se disait avoir été lâché par ses amis.
La longévité au pouvoir ou la naïveté en la force de l’amitié l’ont aveuglé au point de ne savoir que Mobutu a vécu ainsi ses derniers moments. La France, sentant la fin prochaine a toujours montré son visage hideux d’un pays purement impérialiste à ses anciens amis.
La fin de cet homme est tout de même triste allant du bilan des 42 ans de gestion personnalisée et patrimoniale du pouvoir au mensonge sur la date de sa mort. Comme un loup errant, il déclarait : «je serai candidat en 2012 si Dieu m’en donne encore la force ». Ainsi, il a réalisé son rêve consistant à mourir au pouvoir. Et ça, c'est le propre des dictateurs.
II- Une succession apaisée pour une nouvelle ère
Conformément à la Constitution gabonaise, la Présidente du Sénat, Madame Rose Francine Rogombé a prêté serment pour des fonctions présidentielles de 45 jours. Cette situation met fin à toutes les conjectures et pronostics des plus pessimistes sur la possibilité pour les africains de respecter les règles par eux établies.
Selon la Constitution gabonaise, le président de la République par intérim jouit quasiment de tous les pouvoirs dévolus au chef de l’Etat. Il ne peut cependant pas dissoudre l’Assemblée nationale, convoquer un référendum et réviser la Constitution. La présidente du Sénat, de ses 66 ans, a été en effet investie provisoirement Présidente de la République gabonaise.
Sa mission principale est d’organiser les élections 45 jours au plus après la constatation de la vacance du pouvoir. Ce délai peut être prorogé en cas de force majeure constatée par la Cour constitutionnelle.
Dans son principe, cette transition est louable, contrairement au fait qu’à l’annonce du décès de Chef d’Etat en exercice, certains dignitaires, au mépris de toutes les règles procédurales et même de morale, enjambent le corps encore « chaud » du défunt pour s’autoproclamer. Nous nous souvenons encore du cas de la Côte d’Ivoire en 1993, du cas togolais de l’après Eyadema et du cas récent de la Guinée Conakry.
Le Gabon étant à sa première expérience devant ce cas de figure, la Présidente se doit de mener son navire avec beaucoup de dextérité. 45 jours (même prorogés en cas de force majeur) pour un pays qui n’est pas rompu à l’organisation d’élections libres et transparentes, ces joutes électorales pourraient être soit chaotiques ou laisseront beaucoup d’électeurs sur les bords. Or la paix et la stabilité après un aussi long règne comme le cas de Bongo nécessitent la plus grande prudence pour que le pays ne sombre pas.
Le deuil national de 30 jours ne permettra certainement pas de battre campagne. En plus, il pourra à nouveau se poser la sempiternelle question de la fiabilité des listes électorales.
En dépit de toutes ces difficultés, nous sommes tout de même confiants, que le peuple gabonais saura conserver l’essentiel qui est l’intérêt de la nation.
Allant de cette analyse, l’Union de la Jeunesse Panafricaine :
- salue la transition effectuée selon les procédures constitutionnelles au Gabon ;
- invite les citoyens gabonais à s’approprier les rudiments de la démocratie ;
- exhorte les dirigeants africains à accompagner le Gabon en ces circonstances, afin de l’aider à choisir en toute transparence son prochain dirigeant ;
- met en garde les puissances coloniales dans leurs manœuvres tendant à imposer leurs candidats ou à inciter le peuple à des troubles.
Le Bureau Exécutif National

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